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Les films sur les actrices ne
manquent pas dans l’histoire du cinéma, témoignages de la fascination qu’elles
exercent sur les cinéastes. On peut citer parmi d’autres les chefs d’œuvre Eve de Joseph Mankiewicz ou Opening Night de John Cassavetes. Sils Maria s’inscrit dans cette
tradition, et on peut se demander ce qu’Olivier Assayas peut apporter de neuf à
un thème exploré brillament ailleurs. Le réalisateur nous en livre cependant ici
une variation captivante, en prise avec le monde contemporain.
Autrefois jeune première, Maria
Enders (Juliette Binoche) est confrontée soudainement à son statut de star
vieillissante. Elle doit non seulement faire face à la mort de l’auteur de la
pièce qui l’a révélée au public, mais se voit aussi proposer par une metteur en
scène en vue le rôle de la femme mûre dans une nouvelle production de l’œuvre. Peu
à peu, au fur et à mesure des répétitions avec son assistante (Kristen Stewart)
qui lit le rôle qu’elle avait tenu jeune, Maria développe une résistance à
jouer un personnage qu’elle avait méprisé dans sa jeunesse.
A partir de ce dispositif de jeu
de rôles, Sils Maria installe une
atmosphère troublante où la frontière entre réalité et fiction est mince. Dans
quelle mesure le texte répété par les personnages reflète-t-il les conflits
latents dans leur relation ? Assayas refuse de livrer une réponse toute
faite, et se repose plutôt sur le jeu ambivalent de deux actrices
exceptionnelles. Binoche nourrit évidemment son personnage de son expérience de
star internationale, tandis que Stewart trouve l’occasion idéale de se détacher
de son personnage de Twilight en
donnant corps aux frustrations d’une assistante fatiguée de jouer les
faire-valoirs.
Assayas multiplie les jeux de
miroir et apparences trompeuses, nous démontrant comment tout est affaire
d’image à l’ère des réseaux sociaux. Jo-Ann Ellis (Chloë Grace Moretz), la
jeune actrice reprenant le rôle de Maria dans la pièce, est le produit de ce
phénomène, omniprésente sur internet mais profondément insondable, tour à tour
idiote junkie et actrice montante propre sur elle, fangirl et rivale
méprisante. Au contraire de son aînée angoissée par l’image qu’elle projette et
les fantômes hantant les rôles, Jo-Ann a pleinement conscience des effets que
produisent ses différentes persona.
Le conflit entre Mari et Jo-Ann
trouve son équivalent formel dans les matières filmiques contrastées convoquées par
Assayas, entre les séquences romantiques de Sils Maria traversé par le serpent
de Maloja d’un côté et les talk shows, images volées et extraits d’une parodie
de « blockbuster » de
science-fiction de l’autre. D’une maîtrise admirable, Sils Maria a le mérite d’être aussi juste sur le tableau classique
que sur son pendant moderne. C’est là la vraie réussite de ce film
subtil : parvenir à proposer une réflexion à la fois actuelle et
intemporelle sur l’art et le temps qui passe.
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