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Alors que l’auteur de ces lignes peut regretter la
panne d’idées originales dans le cinéma hollywoodien à grand spectacle, son
honnêteté intellectuelle l’oblige à avouer qu’il trépignait d’impatience
quelques semaines avant la sortie du nouveau Star Wars. Sans doute parce qu’il caressait l’espoir de ressentir
le même émerveillement enfantin qu’à la découverte d’Un nouvel espoir, de L’empire
contre-attaque et du Retour du Jedi.
Des années plus tard, la prélogie, vue au cinéma pourtant, avait été une toute autre
histoire. Il y avait bien des scènes d’action grandioses, mais l’humour souvent
désolant, les dialogues peu inspirés sinon ridicules et la fadeur des personnages gâchaient le
spectacle. Tandis que le sens de l’aventure faisait le sel de la trilogie originale,
les “prequels” paraissaient une longue explication des origines pas
nécessairement désagréable mais dispensable. Après cette déception, pourquoi
s’enthousiasmer à nouveau ? D’abord, la présence de J.J. Abrams à la tête du
projet inspirait la confiance ; son “reboot” de Star Trek avait prouvé qu’il était capable de mener des aventures
intergalactiques comme il se doit. Et puis, c’était au moins l’occasion de
retrouver Luke, Leia, Han et toute une bande de personnages qui avait peuplé
des rêves d’enfants. Nostalgie, quand tu nous tiens…
Pour les retrouvailles avec les héros iconiques de
la trilogie originale, il faudra cependant attendre. Le texte introductif nous
apprend que Luke Skywalker a disparu, et est recherché par la Rébellion et le
Premier Ordre, formé sur les restes du défunt Empire. Le plan conduisant à lui
est confié au droïde BB8 après une attaque qui évoque fortement la séquence
d’ouverture d’ Un Nouvel Espoir.
Ajoutons que le petit robot présente beaucoup de similitudes avec R2D2 et que
la planète désertique sur laquelle il se retrouve abandonné a des allures de
Tatoïne, et on pointe vite ce qui peut constituer le défaut principal du film,
l’effet de redite par rapport aux épisodes précédents. J.J. Abrahams et ses
scénaristes ne s’en cachent pas, assument la référence jusqu’à la planète
Starkiller, réplique puissance 10 de l’Etoile de la Mort du film de George
Lucas. Fallait-il en passer par là pour retrouver l’esprit de Star Wars ? En tous cas la réussite du
film tient à dépasser cet écueil pour
s’imposer comme le digne successeur des épisodes 4, 5 et 6.
La séduction de Star Wars : le Réveil de la force s’opère en premier lieu par son
esthétique. L’abandon des fonds verts pour les décors réels et la prédilection
pour les effets physiques des cascades, maquillages et automates donnent au
film une chair et une texture qui manquaient cruellement aux épisodes 1, 2 et
3. La mise en scène dynamique d’Abrams fait des merveilles dans les scènes
d’action percutantes, qu’il s’agisse de poursuites de vaisseaux ou de duels au
sabre laser. Mais si ces scènes sont le clou du spectacle, c’est bien
l’ensemble du film qui est habité par une énergie faisant filer ses deux heures
quinze à une vitesse éblouissante. Le récit rondement mené, aux enjeux simples
mais efficaces, est agrémenté de dialogues à la vivacité réjouissante qui
doivent sans doute beaucoup au retour de Lawrence Kasdan au scénario après L’empire contre-attaque et Le retour du Jedi. On retrouve le même
dosage miraculeux de légèreté et de gravité que dans ces épisodes, pour aboutir
une nouvelle fois au cinéma de divertissement à son meilleur.
Et les personnages tant aimés, que sont-ils devenus ? Ne sont-ils plus
que l’ombre d’eux-mêmes ? Chaque réapparition est à la fois attendue et
redoutée, mais suivie d’un soupir de soulagement. Oui, ils sont bien tous là,
trente ans plus tard, à la fois fidèles au souvenir qu’on avait d’eux et
changés par le temps qui a passé. La nouvelle génération se montre quant à elle largement à la hauteur. Oscar Isaac apporte son
charisme au pilote Poe Dameron en quelques scènes, John Boyega est attachant en
apprenti héros. La ressemblance entre Darth Vader et Kylo Ren pouvait faire
craindre un antagoniste écrasé par son prédécesseur, mais le personnage gagne
en complexité au fil du film pour devenir un des « méchants » les
plus réussis de ces dernières années. Et
la lumineuse Rey, personnage central au même titre que l’a été Luke Skywalker,
confirme après la Furiosa de Mad
Max : Fury Road que les personnages féminins peuvent avoir un bel
avenir dans les « blockbusters » si on leur en laisse la possibilité.
La qualité première de Star Wars :
le Réveil de la force est d’introduire admirablement ces nouveaux
personnages qu’on est prêts à suivre des heures durant, passionnés par leurs
destins.
L’intérêt pour Star Wars est donc relancé de très belle façon, et c’est confiant que l’on attend le prochain volet qui devrait répondre aux questions laissées en suspens à la fin de cet opus. Néanmoins espérons que ce nouveau souffle résiste à l’exploitation intensive de la franchise à laquelle Disney nous prépare. Entre Rogue One : A Star Wars Story dont la sortie est prévue fin 2016 et un projet en développement sur la jeunesse de Han Solo, le géant américain devrait prendre garde à ne pas provoquer un effet de lassitude comparable à celui des productions Marvel Studios. Au risque que les premières notes du thème introductif de John Williams ne suscitent plus aucune excitation.
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