07/11/2011

Les aventures de Tintin : un rêve de grand enfant devenu réalité

 4 / 5
         



Après les œuvres sombres, presque pessimistes qu’étaient La guerre des mondes et Munich, où Spielberg explorait respectivement l’horreur de l’invasion extraterrestre et du cycle de la violence,  Indiana Jones et le crâne de cristal s’annonçait comme un retour à un cinéma d’aventures plus léger. Au regard des trois premiers volets de la célèbre tétralogie, force est de constater que ce quatrième opus laissait une impression de film essoufflé, offrant également des images retouchées numériquement d’une rare laideur, contre toute attente (une poursuite de voitures hideuse au bord d’une falaise et un Shia Labeouf qui jouait à Tarzan avec les singes !). C’est donc avec un brin d’inquiétude que l’on apprenait la mise en chantier des aventures de Tintin. Si la sincérité du réalisateur, sa réelle passion pour le divertissement, n’est pas à remettre en cause, l’adaptation des aventures du héros de Hergé ne souffrirait-elle pas elle aussi d’un manque d’énergie ? Auquel cas Spielberg perdrait définitivement son statut d’ « entertainer » de génie.


En sortant de la projection des Aventures de Tintin : le secret de la Licorne, on pardonne avec soulagement le faux pas du dernier Indiana Jones. A la laideur numérique succèdent les images sublimes que propose le procédé de « performance capture » en animation 3D. Ce parti pris esthétique convient parfaitement à la retranscription d’un univers de bande dessinée réaliste tel que celui de Tintin : la prise de vue réelle ne permettrait pas de rendre aussi efficacement le monde fictionnel exploré par le jeune reporter, tandis que les expressions et postures humaines qui percent derrière l’animation donnent de la chair à des personnages que Hergé n’a jamais voulu des caricatures. C’est sans doute en partie l’attente de cette forme idéale pour rendre ses impressions de lecteur qui a amené Spielberg à remettre à plus tard un projet  qu’il porte depuis plus de 20 ans. Le film bénéficie en tout cas de son expérience de metteur en scène, en plus d’un enthousiasme juvénile toujours intact. 

En multipliant les références à sa filmographie dans Tintin, le réalisateur s’approprie l’œuvre de Hergé, parfois par le détournement le plus incongru : alors que deux malfrats ont été forcés d’amerrir, la houppette du héros caché sous l’eau s’approche d’eux, tel le fameux aileron de Jaws. Mais cette appropriation est aussi celle d’un hommage rendu à une source qui a nourri son imaginaire : ainsi le capitaine Haddock arbore étrangement sur certains plans les traits d’un Harrison Ford vieillissant, et Indiana Jones se dévoile alors comme la synthèse entre la fougue du reporter belge intrépide et la rugosité de son compagnon. 


On se retrouve donc en terrain connu mais la nouveauté apportée par la « performance capture » pour Spielberg amène à poser plus largement la question : que permet l’animation telle qu’ il l’ envisage? En premier lieu de donner  libre cours à une imagination débridée dans les scènes d’action impressionnantes. On assiste ainsi à un atterrissage mouvementé et comique au sortir d’une tempête ou à une séquence surréaliste d’abordage où les deux navires se retrouvent emmêlés par les cordages de leurs mâts. C’est aussi par l’animation que s’opèrent les transitions sublimes d’un récit au passé : des fondus font se réaliser des mirages de bateaux en mer agitée en plein désert, l’eau des vagues engloutissant avec violence les dunes de sable, ou font se succéder sans coupe l’image d’ Haddock et de son ancêtre, comme dans la bande dessinée originale. Le mouvement de l’œil qui établit la continuité temporelle de case à case à la lecture devient la continuité sans faille des images animées. 

C’est dans la combinaison entre le souffle d’une scène d’action  et le mouvement continu que se déroule la scène climax du film, une course-poursuite haletante en un plan, des hauteur surplombant une ville à son port. Les cadres et les points de vue changent, comme autant de cases se succédant avec comme point focal des objets dont les personnages essaient de s’ emparer. La scène, inventée par le réalisateur et ses scénaristes, allie la virtuosité graphique de la bande dessinée au dynamisme du cinéma, dans un élan créatif stupéfiant. A elle seule, elle parviendrait à couronner Spielberg comme le meilleur « entertainer » de Hollywood. Mais la qualité de Tintin est de proposer un rythme irréprochable, même entre ses moments de bravoure. Et de nous laisser satisfaits, le sourire aux lèvres, malgré notre soif d’aventures insatiable.

3 commentaires:

  1. Il y a un problème avec cette critique, ainsi que toutes les autres d'ailleurs: les films sont décris de manière mécanique, disséqués au scalpel, en nous sortant des analyses un brin pompeuses et pompantes.

    Merde à la fin, tu l'as aimé ou pas ce film? Heureusement qu'il y a la note: 4/5, ça je comprends - a priori, tu as aimé.

    Voilà ma propre critique, certes plus brute de décoffrage (désolé, j'y connais rien en cinéma):

    l'intrigue du "secret de la Licorne" n'est pas très fidèle à la BD, ce qui en soit serait pardonnable s'il n'y avait tant de petits détails qui me chagrinent.

    Gros points noirs qui m'a gâché le film, la surabondance de courses poursuite en tout genre qui en mettent plein la vue sans qu'il en reste grand-chose. J'avais éprouvé la même chose avec "Quantum of Solace", le dernier James Bond. J'avais le sentiment d'être une oie qu'on gave pour en extraire le foie bien gras (allez! lâche tes 12 euros pour voir cette 3D merdique!).

    Ce seul défaut a foutu en l'air le reste du film. J'ai été du coup particulièrement sévère avec un ensemble de scènes irréalistes au possible. Même dans le monde des rêves, des bateaux qui s'accrochent par le mats pour se la jouer "galère des pirates" au parc Astérix, ça me fait bien marrer. J'ai peut-être rien suivi en cour de Résistance des Matériaux, mais il n'empêche que le bois aurait dû casser depuis longtemps.

    Autre point qui m'a chagriné (attention spoiler), la vengeance post-mortem de Rackam-le-Rouge. Mouais bof.

    En somme, ce film n'est pas une bouse finie, mais j'ai vu mieux dans le genre. (Et 12 euros pour la 3D, c'est toujours autant de l'arnaque)

    Jeff

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  2. D'abord merci pou ton commentaire.
    Je suis désolé que tu aies trouvé la plupart des critiques sur ce blog "un brin pompeuses ou pompantes". Cela dit, mon propos, plutôt que de me réduire à "j'aime" ou "je n'aime pas", ce que résume la note, est de mettre en avant mon propre ressenti concernant les films et de proposer des pistes de réflexion plus générales à partir de ces derniers.
    Concernant Tintin, on est d'accord que la 3D est une arnaque sans nom dont j'espère qu'elle prendra fin sous peu, mais les scènes d'action sont pour moi l' intérêt du film, la touche apportée par Spielberg par rapport au matériau d'origine. Elles sont évidemment délirantes, mais c'est ce qui fait leur intérêt.
    Pour ma part, je me réjouis que l'adaptation n'ait pas été un simple copier-coller mais il est vrai que je ne voue pas un culte aux albums de Hergé.
    Je tâcherai malgré tout d'être plus clair quant à mon avis sur les films dans mes articles.

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  3. Personnellement, la lecture de tes critiques me pousse toujours à revoir mon opinion sur certains détails d'un film, ou même de pointer des choses dont je ne m'étais absolument pas rendue compte au premier visionnage. Et ce n'est pas parce que tu cites des films ou des réals que tes lecteurs ne connaissent pas forcément que ça rend tes références pompeuses, loin de là.
    En ce qui concerne Tintin, j'ai trouvé moi aussi que le film était superbement mis en scène. Du grand Spielberg. Moi, grande tintinophile persuadée que l'univers d'Hergé ne fonctionnerait jamais sur grand écran, j'ai été convaincue ! Il est évident que le film a été fait par des amoureux de la BD, de la mise en scène à la qualité de la mo-cap en passant par le script. J'en redemande !

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