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Dans un village de Turquie, c’est
la fin de l’année soclaire : pour la jeune Lale ce sont les au-revoirs
émus avec son institutrice. Mais à la tristesse succède bientôt le bonheur d’une
bataille d’eau avec des garçons, en compagnie de ses sœurs. Pour ces jeunes
filles il ne s’agit que d’un jeu innocent, malheureusement leur grand-mère et
leur oncle ne l’entendent pas de la même façon. Lale et ses sœurs ne sont plus
des enfants, mais des adolescentes qu’il est impératif de marier avant qu’elles
perdent leur virginité.
Avec l’histoire de ces cinq sœurs
turques gardées jalousement par une famille surprotectrice, la référence aux
sœurs Lisbon de Virgin Suicides est
inévitable. L’esthétique du film de Deniz Gamze. Ergüzven présente d’ailleurs
des similtitudes avec celle du métrage de Sofia Coppola. La bande originale de
Warren Ellis est aussi planante et mélancolique que pouvait l’être celle qui
avait fait la gloire d’Air il y a 15 ans. Cependant Mustang est traversé par une énergie très loin de la douceur allanguie
et un tantinet mortifère de Virgin
Suicides. Le film de Sofia Coppola était recouvert de la patine des
souvenirs et prenait le parti d’un point de vue extérieur à son groupe
d’héroïnes qui conserveraient leur part de mystère jusqu’à leur issue tragique.
Ici, le choix de la sœur cadette Lale comme narratrice et personnage central donne la
sensation d’un récit qui s’écrit au présent.
C’est qu’il y a avant tout une
urgence d’ordre politique et sociétal au coeur de Mustang. Le spectateur est gagné à la cause de ces soeurs qui
n’aspirent qu’à une liberté et à des droits fondamentaux. On est galvanisé par
la rébellion courageuse de ces magnifiques héroïnes, par leurs provocations et
leur belle insolence face à une autorité étouffante. Puisant dans les souvenirs
de sa vie en Turquie, Ergüzven dresse un portrait alarmant du patriarchat qui y
règne mais offre à ses protagonistes quelques victoires porteuses d’espoir.
Parmi les points d’orgue du film, l’échappée des sœurs pour se rendre à un
match de foot est un pur moment d’euphorie qui vaut tous les risques qu’on les
voit braver.
Le film de Ergüzven est au final
plus à rappocher du très beau Wadjda de
Haifaa Al Mansour pour sa dénonciation des dogmes religieux et sa défense de
l’égalité entre les sexes. Wadjda se battait pour obtenir un vélo qui lui était
défendu parce qu’elle était une fille, Lale n’a de cesse d’apprendre à conduire
pour s’échapper de sa maison devenue prison. Dans les deux cas, l’émancipation
passe par l’appropriation de véhicules symboles d’une liberté de mouvements
refusée aux femmes. Emmené par le dynamisme de son récit et son groupe de
jeunes actrices dont l’énergie débordante évoque Bande de Filles, Mustang refuse
le statisme et en devient un des films les plus stimulants de l’année.
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