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Comme
le récent Mange tes Morts, Géronimo s’ouvre sur un travelling qui
suit la course de personnages principaux. Mais l’effet est ici doublé, avec
d’un côté une mariée en fuite et de l’autre son amant en moto. Les directions
opposées des personnages les destinent à se rejoindre et une fois le couple
réuni, ils chevauchent une moto sur un rock tzigane. Que nous disent ces
courses effrénées ? Chacune semble nous renvoyer au souvenir de celle
mythique de Jean-Pierre Léaud à la fin des 400 Coups, symbole du geste
libérateur de la Nouvelle Vague. Et de fait, comme Godard, Truffaut ou Chabrol
s’opposaient aux conventions du cinéma de l’époque, Jean-Charles Hue et Tony
Gatlif cherchent à construire des espaces alternatifs dans le paysage du 7ème
art français. Si Géronimo n’est pas aussi abouti que Mange tes Morts,
il n’en dégage pas moins un charme singulier.
Géronimo s’organise autour de deux
pôles. Il y a d’une part un lyrisme dont
l’ouverture du métrage donne le ton. Le conflit qui oppose une famille de turcs
et de gitans est une variation évidente de celui entre les Capulets et
Montaigus au cœur de Roméo et Juliette,
et le film déroule alors un récit tragique.
Mais il y aussi une part de réalisme social portée par l’éducatrice
Géronimo (Céline Salette) qui tente d’apaiser les tensions au sein des
quartiers défavorisés qui servent de cadre à l’action. Malgré l’expérience
concrète qu’a Gatlif de ce milieu où il a vécu, cet aspect réaliste peine à
convaincre.
C’est
encore plus dommage qu’on a l’impression d’assister à un rendez-vous manqué
pour la formidable Céline Salette qui tenait enfin là un rôle de premier plan.
Révélée dans L’Apollonide, l’actrice
mène depuis une carrière discrète bien qu’elle ait une présence indéniable. Géronimo hésite à coller aux basques de
l’actrice et de son personnage qui aurait pourtant pu servir de point d’ancrage
à un récit trop brouillon pour lequel on a du mal à se passionner. La faute en
incombe aussi au choix de Gatlif de privilégier le travail avec des acteurs non
professionnels. Cette méthode a pu faire ses preuves depuis le néo-réalisme
italien des années 40, malheureusement ici les interprètes surjouent des
dialogues qui sonnent faux. Céline Salette et le sympathique Sergi Lopez, malgré
leurs efforts, ne parviennent pas à
faire oublier cette faiblesse de la direction d’acteurs.
La
partie réaliste de Géronimo ne
fonctionne donc pas et frise souvent le ridicule. Ce ratage n’enlève rien à la
réussite du pendant lyrique dans lequel Gatlif peut donner libre cours à ses
qualités de metteur en scène formaliste. Une scène d’affrontement de rue entre
deux bandes rivales évoque le brio opéradique de Francis Ford Coppola :
les sons combinés des lames des couteaux sur les grillages, des talons des
danseurs et des mains qui viennent
frapper les corps forment une musique au rythme endiablé. Plus tard, on
assiste fasciné à un battle de danses aux acrobaties spectaculaires où le choix
des interprètes trouve sa justification dans leurs performances dansées. Gatlif
stimule aussi l’imagination du spectateur en emmenant parfois Géronimo vers le fantastique, notamment
lors d’une séquence où la mariée en fuite se retrouve seule dans une maison
abandonnée en proie à des vents violents qui résonnent comme des présences
fantomatiques.
Finalement
les défauts et qualités de Géronimo
se trouvent résumés dans son acte final. Alors que la tension dramatique
devrait être à son comble dans un jeu du chat et de la souris, on ne se soucie
pas réellement du sort de personnages. Mais le décor d’immeubles désertés,
ruines dont les murs sont décorés de peintures murales, a quelque chose de
sublime. Promesse à moitié réalisée, Géronimo
aura au moins su nous offrir quelques moments de cinéma et images mémorables, à
défaut de proposer un ensemble vraiment percutant.
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