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En se penchant sur la carrière de
David Fincher, il est difficile de saisir une thématique ou un quelconque fil
conducteur. Habile artisan plus qu’auteur, le réalisateur caméléon a pourtant
su se frayer un chemin vers une reconnaissance à la fois critique et publique.
Ce succès sur les deux fronts tient en partie à un positionnement dans l’air du
temps sensible dans ces derniers films, qu’il s’agisse de traiter de la genèse
de Facebook pour The Social Network ou d’adapter un best-seller avec Millenium.
Mais c’est surtout la maestria technique du réalisateur et sa volonté de
s’adresser à l’intelligence du spectateur qui ont fait de lui le cinéaste le
plus populaire des années 2000 aux côtés d’un Christopher Nolan qui applique
des recettes similaires. L’admirable Gone Girl confirme ce statut et met
en évidence une ascendance artistique déjà devinée dans le reste de l’œuvre de
Fincher, celle d’Alfred Hitchcock.
Un matin, la femme de Nick Dunne
(Ben Afleck) disparaît de façon suspecte. Il avertit la police, et lance un
appel pour la retrouver. La découverte progressive de flashbacks illustrant des
extraits du journal intime tenu par sa femme Amy (Rosamund Pike) laisse
cependant penser que derrière cette façade de mari aux abois se cache un
individu beaucoup plus trouble. En parallèle l’ignorance dans laquelle se
trouve Nick des détails du quotidien d’Amy font d’elle une figure ambiguë. Le double
récit évoque alors Soupçons pour le
point de vue de la femme apeurée et Pas
de printemps pour Marnie pour celui du mari. Ballotté entre ces deux
versions, on prend plaisir à se laisser surprendre par une multitude de
retournements de situation qui nous amènent à constamment changer notre point
de vue sur les personnages. Ben Afleck incarne la veulerie et l'hypocrisie de Nick avec un plaisir communicatif et on retrouve avec Rosamund Pike le glamour et l'ambiguïté des plus grandes blondes hitchcockiennes.
La richesse narrative et la
structure impeccable de Gone Girl sont
à mettre au crédit de Gillian Flynn, à la fois auteur du roman d’origine et de
son adaptation. Mais l’efficacité de la mise en scène de David Fincher, que ce
soit au niveau du découpage ou du rythme donné au récit, transcende ce scénario
très bien construit pour en faire une œuvre qui nous envoûte de la première à
la dernière seconde. A l’époque de Panic
Room, David Fincher tentait vainement d’imiter Hitchcock par des effets de
caméra voyants. Aujourd’hui, assisté par un Trent Reznor dont les ambiances
musicales électroniques ont succédés aux boucles pour cordes de Bernard
Herrmann, il est devenu avec la maturité artistique le digne fils spirituel de
son modèle.
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