4,5 / 5
Habitués des récompenses
cannoises (avec entre autres 2 palmes d’or et 1 grand prix du jury à leur
actif), les frères Dardenne seront
repartis bredouille avec Deux jours, une
nuit. Avec ce nouveau long métrage, les frères cinéastes poursuivent
pourtant sur la lancée de leur précédent opus, le magnifique Gamin au vélo, et le prix
d’interprétation féminine n’aurait pas été de trop pour saluer la prestation de
Marion Cotillard.
Le synopsis de Deux jours, une nuit relève d’un dispositif
d’une simplicité qui pourrait faire craindre la répétition lassante : afin
de garder son emploi, Sandra (Marion Cotillard) doit convaincre la majorité de
ses collègues de renoncer à leur prime et rend visite à chacun d’entre eux. Ce
programme narratif simpliste se révèle cependant d’une efficacité remarquable,
d’abord parce qu’il instaure un suspens croissant (au fur et à mesure des
refus, les chances de la protagoniste de garder son poste s’amenuisent) mais
surtout parce que cette simplicité laisse une place de choix aux collègues
visités par Sandra.
Chaque étape du trajet de
l’héroïne est l’occasion d’une rencontre avec des personnages brossés en
quelques mots et gestes mais dont l’humanité débordante balaie toute impression
de répétition mécanique. Le talent des Dardenne est de susciter en quelques
instants notre intérêt pour une myriade d’anonymes dont nous connaissons à
peine les vies mais qui sonnent tous profondément vrais. Filmées en un plan,
ces rencontres témoignent de la maîtrise extraordinaire de la direction
d’acteurs par les cinéastes.
Ces scènes resteraient cependant
à l’état de vignettes brillamment mises en scène si le récit ne trouvait pas
son cœur dans l’évolution bouleversante de sa protagoniste centrale. Deux jours, une nuit s’ouvre sur Sandra
endormie, à terre, semblant réunir ses dernières forces pour se lever. Broyée
par un système où elle est interchangeable et jetable, l’anti-héroïne démotivée
ne croit pas à l’issue heureuse de son projet. Plus qu’une simple réalisation
de son objectif, le métrage nous décrit son retour à la vie, avec à la clef un
élement crucial qui était déjà présent dans Le
gamin au vélo : Sandra n’est pas seule, mais accompagnée d’une
collègue, puis surtout rejointe par son mari. Loin de toute naïveté, le film
des Dardenne nous dit que la solidarité est le moteur des combats, et
l’illustre de la plus belle façon à travers son couple de héros émouvant.
L’économie du style épuré de Deux jours, une nuit, la précision de son rythme
et la limpidité de son récit, sont autant de signes que les Dardenne maîtrisent
l’art du cinéma comme peu d’autres. Notamment, la façon qu’ont les cinéastes de
faire naître l’émotion au détour d’une simple phrase (déchirant « Je me
sens seule » murmuré par Marion Cotillard) est tout simplement
stupéfiante. Ils n’ont peut-être pas remporté de prix à Cannes cette année,
mais ils se seront bien battus.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire