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Dans la première partie des
années 2000, l’émergence du cinéma sud-coréen sur la scène internationale s’est
faite par l’intermédiaire du polar, qu’il s’agisse de la trilogie de la
vengeance de Park Chan-Wok (Sympathy for
Mr Vengeance, Old Boy et Lady Vengeance), ou des impresionants Memories of Murder ou The Chaser. Après A touch of Sin de Jia Zhangke dont le premier « épisode »
évoquait également le polar, Black Coal,
Ours d’or au festival de Berlin, confirme un intérêt nouveau du cinéma chinois
pour le genre. Comme dans le cas des films coréens, le film de Diao Yi’Nan a recours
au genre pour jouer avec ses codes, afin d’aboutir à une proposition singulière
et stimulante qui bénéficie à la fois de l’efficacité d’une forme populaire qui
a fait ses preuves et de la liberté artistique du cinéma d’auteur.
Rentrant immédiatement dans le
vif du sujet, Black Coal s’ouvre sur
le plan d’un morceau de corps perdu dans un chargement de charbon. La séquence
d’introduction alterne la découverte de cette anomalie morbide avec les
segments opaques d’une scène de couple : une partie de carte aux règles
étranges laisse la place à un rapport sexuel violent qui semble imposé par
l’homme, avant que ce dernier se jette une dernière fois sur la femme lors de
leurs adieux à une gare. Dans ce contexte de film noir où les femmes sont les
victimes en sursis du désir violent des hommes, le corps nu découpé est bien
entendu imaginé comme celui d’une femme à partir du bras trouvé à l’usine de
charbon, à la fois par les ouvriers et le specateur du film ; fausse piste
puisqu’il s’agit de celui d’un homme…
Diao joue avec les attentes tout
au long de son film, installant une atmosphère intrigante du fait des zones
d’ombre de l’intrigue policière mais aussi en incoroprant des éléments
burlesques qui accentuent le parallèle avec les ploars coréens, Memories of Murder en premier lieu.
L’enquête menée par le protagoniste central (Fan Liao, prix d’interprétation
mérité au festival de Berlin), l’homme instable présenté dans les scènes du
couple, s’interrompt ainsi d’abord sur un bain de sang à la surenchère
gagesque. On ne retrouve ensuite le personnage que cinq ans plus tard, bouffi
et alcoolique, tandis que le décor citadin s’est transformé sous l’effet d’une
neige envahissante.
Avec sa neige où les pas
s’enfoncent dans un bruit de craquement sourd qui contraste avec le son des
patins qui glissent sur la glace, ses néons nocturnes qui colorent l’image de
teintes baroques, Black Coal est une
réusite formelle à l’originalité incontestable. Le film fonctionne à son
maximum dans son milieu, où une série de scènes quasi-muettes décrit la
poursuite d’un suspect, silhouette inquiétante aux patins à glace. Diao ne
parvient pas à maintenir cette belle intensité dans tout son film, le dernier mouvement
de Black Coal après un dernier
retournement de situation s’avérant moins convaincant. Malgré ses quelques
baisses de rythme, ce polar chinois reste une œuvre atypique qui mérite d’être
découverte, proposant une relecture efficace des archétypes de film noir que
sont le détective privé ou la femme fatale (ambigüe et magnifique Lun Mei-Gwei).
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