3,5 / 5
Après le succès de son adaptation de Lady Chaterley, récompensé de 5 Césars en 2007, la cinéaste Pascale
Ferran revient avec Bird People, sélectionné
dans la catégorie « Un certain regard » au dernier festival de
Cannes. La présence du métrage dans cette section parallèle, qui privilégie les
œuvres « atypiques » réalisées par des auteurs en devenir, est étrange
pour une cinéaste certes discrète et rare mais déjà reconnue par la profession.
Œuvre originale et ambitieuse, Bird
People s’est peut-être vu relégué à
cette place du fait de son caractère inclassable, qui est sa force artistique mais
aussi un peu sa limite.
Le film de Pasacale Ferran est difficilement
résumable, non pas tant parce qu’il manque de récits que parce qu’il multiplie
les pistes narratives. La première séquence dans le RER qui mêle les différents
monologues intérieurs des passagers en voix off dit bien le projet de Pasacle
Ferran de proposer un film contemporain sur un certain esprit du monde. On n’est
pas loin de la forme du documentaire, à laquelle le film aura recours par la
suite, qu’il s’agisse de la description d’aéroports ou d’un versant animalier.
Plus largement, Bird People est
structuré en deux parties, chacune d’elles étant introduite par un carton du
nom du protagoniste du récit : d’un côté, Gary est un ingénieur
informaticien américain en transit dans un hôtel, à un tournant de sa
vie ; de l’autre Audrey est une femme de chambre de l’hôtel qui se
retrouve confrontée à une situation peu commune…
Si ce résumé parait assez
laconique, il est à l’image du film de Pascale Ferran qui se vit de préférence
comme une expérience de cinéma par laquelle il faut se laisser porter et
surprendre. La première partie du film se rattache encore à un domaine connu,
celui de l’étude psychologique caractéristique d’un pan du cinéma français,
genre abordé avec une certaine justesse par la cinéaste et son co-scénariste ;
malgré l’apparence manque d’originalité de cette matière narrative, Ferran
ouvre la perspective de cette crise existencielle qui se déroule en quasi
huis-clos dans une chambre d’hôtel par le recours à un ailleurs étranger. Cet
appel d’air trouve sa pleine mesure dans la deuxième partie, pareille à une
rêverie d’enfant qui nous donne soudainement à percevoir le monde à travers un
point de vue inattendu. Pascale Ferran se libère alors joyeusement du carcan du
film psychologique, et met à profit cette liberté dans une mise en scène
virtuose et ambitieuse. A plusieurs moments, Bird People parvient alors à émerveiller, à transmettre une joie
naïve de faire un cinéma libéré des mots, à opérer un retour aux sources du 7ème
art qui aurait retrouvé le pouvoir de fascination qu’il exercait sur des
spectateurs médusés.
Malgré ce caractère galvanisant de Bird People qui explore assez brillament différents possibles de cinéma, on est malheureusement obligé d’émettre une réserve. L’œuvre de Pascale Ferran a beau être admirable par la quantité de ce qu’elle veut embrasser, mais elle manque d’une structure rigoureuse. Tel quel, Bird People est une méditation sur le monde moderne dans laquelle on se perd plus avec plaisir qu’elle ne nous guide, qui ravit par ses effets de surprise et son esprit d’aventure davantage qu’elle construit une véritable tension dramatique ou explore en profondeur les questions propres à notre époque.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire